Face à l’augmentation des créations d’entreprises estimée à 4 % entre 2019 et 2020, il devenait urgent de délimiter le statut juridique des travailleurs indépendants afin de poser un cadre juridique plus clair.
C’est chose faite depuis le 16 septembre 2021 où une partie des mesures en faveur des indépendants avaient été présentées par le Président de la République, une autre partie était attendue début 2022 afin d’être détaillée dans la nouvelle loi de finance.
Parmi les mesures annoncées dans le projet du plan des travailleurs indépendants, le gouvernement évoquait :
- le statut unique protecteur de l’entrepreneur individuel.
- l’amélioration de la protection sociale des indépendants.
- les mesures relatives à la formation et la reconversion des indépendants.
- la simplification de la transmission des entreprises et savoir-faire.
- la simplification de l’environnement juridique des indépendants.
La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a finalement été publiée au Journal officiel du 15 février 2022.
Suite à notre premier article sur les nouvelles mesures de soutien des indépendants en 2021 nous revenons sur les mesures phares définitivement adoptées et sur les mesures complémentaires précisées en 2022.
L’adoption du nouveau statut unique des entrepreneurs individuels
L’une des premières mesures visait à créer un statut unique pour les entrepreneurs individuels afin de protéger leur patrimoine personnel quel que soit leur régime.
Depuis le 15 février 2022, ce statut unique est définitivement adopté entraînant la suppression du statut d’EIRL (Entrepreneur individuel à responsabilité limitée) ce qui signifie qu’il n’est plus possible pour l’entrepreneur individuel de choisir ce régime.
Toutefois, les entrepreneurs qui exerçaient leur activité sous ce statut avant le 16 février 2022 continuent d’être soumis au régime de l’EIRL.
La séparation des patrimoines personnels et professionnels des travailleurs indépendants
C’est l’une des conséquences majeures de l’unification des statuts de l’entrepreneur puisque désormais tout entrepreneur bénéficie du statut unique permettant une séparation entre patrimoine personnel et professionnel.
Rappelons qu’auparavant, l’entrepreneur individuel ne bénéficiait pas de la séparation du patrimoine personnel et professionnel. En effet, l’entreprise individuelle entraînait une responsabilité illimitée de son dirigeant et seuls les entrepreneurs qui étaient sous le régime de l’EIRL pouvaient protéger leur patrimoine personnel.
Désormais, la séparation des deux patrimoines est automatique sans formalités administratives particulières pour tous les entrepreneurs individuels. Autrement dit, l’ensemble du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel devient par défaut insaisissable par les créanciers professionnels, sauf si l’entrepreneur ne le souhaite pas.
L’élargissement du statut du conjoint collaborateur
Le plan des travailleurs indépendants valide plusieurs mesures visant à améliorer la protection sociale dont celle du conjoint collaborateur.
La protection sociale du conjoint collaborateur était depuis longtemps au cœur des préoccupations car ce statut confère une pluralité de droits, notamment une protection sociale, des droits à la retraite, une affiliation personnelle à la caisse d’assurance vieillesse du chef d’entreprise et des droits à la formation professionnelle.
Jusqu’à présent, le statut de conjoint collaborateur était destiné aux personnes mariées aux chefs d’entreprise ou liées à ces derniers par un pacte civil de solidarité (PACS).
Le plan autorise désormais l’option du statut du conjoint collaborateur au bénéfice du concubin.
Déclaration des revenus du travailleur indépendant en temps réel
Cette mesure permet aux travailleurs indépendants, quelle que soit leur activité, de déclarer en temps réel le chiffre d’affaires réalisé afin de tenir compte des fluctuations des revenus annuels de certains travailleurs indépendants.
Ainsi, les paiements des cotisations et des contributions sociales sont désormais modulés selon les variations des revenus perçus par les travailleurs indépendants.
Par ailleurs, le plan supprime les pénalités liées à une sous-estimation de déclaration du revenu d’activité.
Les mesures concernant la transmission des entreprises et des savoirs-faire
Le plan prévoit des mesures spécifiques concernant les situations de transmission d’entreprises.
Concernant les reprises d’entreprises c’est-à-dire les opérations consistant à racheter une entreprise déjà existante, le plan prévoit un dispositif permettant de réduire le coût de la reprise d’une entreprise.
Concernant les contrats de location gérance, le plan revient sur les conditions de leur cession.
Les locations gérance* sont des contrats par lesquels le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite et prend en charge les risques de l’exploitation (C. com. art. L 144-1).
Aussi, le plan assouplit les conditions de cession des fonds donnés en location gérance en autorisant la cession d’une activité mise en location-gérance à toute personne, sous réserve qu’elle poursuive l’exploitation.
S’agissant du départ à la retraite des entrepreneurs, le plan prévoit une exonération des plus-values* professionnelles de cession de l’entreprise individuelle au moment du départ à la retraite.
Enfin, le plan vise la fiscalité des plus-values professionnelles de cession d’entreprise. Aussi, le gouvernement prévoit d’augmenter le plafond d’exonération partielle et totale des plus-values lors de cession d’entreprises individuelles à 500 000 euros pour une exonération totale, et 1 000 000 euros pour une exonération partielle.
La clarification de l’environnement juridique des travailleurs indépendants
Une catégorie des mesures du plan visent à faciliter les formalités administratives liées aux activités indépendantes.
C’est notamment le cas des déclarations de chiffre d’affaires du début d’activité des indépendants qui peuvent désormais être réalisées dès le début de l’activité contrairement à un délai de 90 jours auparavant.
De même, les indépendants ont désormais un délai allongé pour choisir le régime d’imposition en tant que micro-entrepreneur.
Le plan revient également sur les délais de remise des attestations de vigilance des travailleurs indépendants par l’URSSAF. Désormais la délivrance de l’attestation de vigilance est élargie aux cotisants démarrant leur activité jusqu’à leur première échéance déclarative ou de paiement, ainsi qu’à ceux n’ayant pas d’obligation sociale de déclaration et n’étant pas redevables de cotisations.
Le plan vise aussi à faciliter le traitement des dettes de cotisations sociales des *gérants majoritaires de SARL dans le cadre d’une procédure de surendettement des particuliers.
Enfin, la catégorie des professions libérales réglementées est désormais fixée par un seul cadre juridique permettant à ces professions libérales de simplifier la façon dont elles peuvent développer leur activité économique.
Cadre légal des travailleurs indépendants versus Portage salarial
Même s’il faut reconnaître que le législateur met tout en œuvre pour améliorer le statut des travailleurs indépendants, l’entrepreneuriat ne rassure pas encore tout le monde.
Le statut du travailleur indépendant possède toujours des risques matériels et financiers c’est pourquoi beaucoup de salariés redoutent de concrétiser leurs ambitions entrepreneuriales.
Si la loi ne parvient pas encore à établir un cadre totalement sécurisé pour les travailleurs indépendants, le portage salarial demeure un dispositif idéal pour créer une activité indépendante sans renoncer aux avantages du statut salarié. A mi-chemin entre le salariat et l’indépendance, le portage salarial permet en effet d’exercer une activité indépendante tout en bénéficiant du statut salarial (Sécurité sociale, prévoyance, retraite, assurance chômage).
Un consultant porté peut exercer une activité indépendante en toute autonomie tout en protégeant son patrimoine personnel et préserver une protection sociale complète. La gestion administrative et comptable de son activité sont par ailleurs prises en charge par l’entreprise de portage salarial ce qui lui permet de se consacrer exclusivement à son activité.
Qu’il soit transitoire ou définitif, le statut de salarié porté peut être une alternative de choix pour entreprendre sereinement.
Textes de référence :
- *plus-values : différence entre le prix de revente et la valeur d’origine du bien.
- *locations gérance : contrats par lesquels le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite et prend en charge les risques de l’exploitation (C. com. art. L 144-1).
- *gérant est majoritaire : celui qui détient seul plus de 50 % du capital de la société.